On en entend régulièrement parler à la une des journaux, et souvent, lors d’un changement de gouvernement : les alliés du parti au pouvoir occupent tout à coup, des postes-clés et certains alliés du parti défait doivent céder leur place. Si les traitements de faveur sont davantage médiatisés dans la sphère politique, ils sont monnaie courante dans le monde du travail. Le favoritisme en quelques lignes...
Tout débute par des gestes somme toutes, anodins qui s’accumulent au fil des semaines, voire des mois : un collègue obtient les meilleurs jours de congé, du plus grand espace de travail, d’une pause plus longue ou encore, ses retards passent inaperçus. Pire encore, le cadre réserve certains avantages à son protégé et refuse, par exemple, les demandes de congés des autres ou soupire lorsqu’on émet notre avis lors d’une réunion d’équipe. En agissant ainsi, le climat est constamment tendu et souvent, les employés achètent la paix en taisant leurs sentiments. Pire encore, la situation peut même dégénérer en conflit. Les employés qui sont moins bien traités que le favori perdent le goût de s’investir et la productivité ralentit. De plus, la rancune à l’égard du favori et la méfiance s’installent, allant même jusqu’à diviser le groupe.
Une utopie?
Le phénomène est plus répandu qu’on ne le croit. Selon une étude américaine réalisée auprès de 303 cadres, 84 % constatent que le favoritisme lié aux affinités ou aux contacts personnels influence la promotion des salariés dans leur entreprise. Pire encore, dans 56 % des cas, les gestionnaires disent savoir quel employé ils désirent promouvoir, avant même d’entamer l’évaluation des candidats. S’il arrive parfois, qu’un certain lien d’amitié s’installe entre un cadre et un subalterne, il faut cependant, savoir tracer une limite et ce, afin d’éviter les conflits. C’est en effet, lorsqu’il y a apparence de favoritisme que les conflits débutent puisque le copinage crée un sentiment d’injustice parmi l’équipe de travail et constitue la principale source de démotivation au travail. De plus, il met en péril la qualité des relations entre les membres de l’équipe.
Ceci est aisément explicable puisque lorsqu’un salarié réalise qu’un collègue effectuant les mêmes tâches parvient à négocier de meilleures conditions de travail, il se demande pour quelle raison devrait-il fournir des efforts pour une organisation qui ne le reconnaît pas à sa juste valeur. Il pourrait être tenté de se faire justice lui-même, en ne respectant plus les règles ou en relâchant l’effort fourni. Il perd confiance en lui-même et l’énergie normalement dédiée au travail est consacrée à sauver sa peau et protéger ses intérêts.
Une nuisance tant pour les autres que pour le favori
Si la vie peut sembler aisée pour le favori, à priori, la situation pourrait s’envenimer à long terme puisque les autres membres de l’équipe tendront à isoler le favori lors de réunions sociales, ils ignoreront ses demandes et pourront même se liguer contre lui. Du côté des employés non favoris, outre la perte de motivation et la diminution des efforts consacrés au travail, on notera un désintérêt pour la participation aux réunions d’équipe mais aussi, une augmentation de l’absentéisme. En effet, des employés rarement absents pourraient tout à coup s’absenter de plus en plus souvent et même, être victime de dépression professionnelle occasionnant ainsi, une absence à long terme, une conséquence qui aurait un effet d’entraînement. Finalement, la démission d’employés compétents pourrait s’avérer la solution ultime pour certains. Certaines entreprises ont même dû composer avec des démissions en bloc.
L’entreprise grande perdante à long terme
Le favoritisme n’emporte pas que des conséquences désastreuses sur les individus, mais aussi, sur l’entreprise. En effet, la baisse de productivité se fera sentir de façon insidieuse, dans un premier temps, par une diminution du volume de travail mais par une diminution de la qualité de travail ensuite. Puis, lors de périodes d’absence, le ralentissement sera accru particulièrement si plusieurs employés s’absentent en même temps dans une petite entreprise. Dans les microentreprises, des secteurs entiers pourraient être paralysés. De même, les pertes de revenus associées à la réduction de la productivité se feront sentir mais les dépenses engendrées par la situation pulluleront : augmentation des réclamations d’assurance collective et médications, obligation de recourir à la sous-traitance, embauche de nouvelles ressources temporaires et coûts de formation additionnels. Dans certains milieux, les conséquences pourraient aller beaucoup plus loin puisque certains clients et fournisseurs pourraient ne plus vouloir être associés à une entreprise qui traite ses employés de manière inéquitable. Il pourrait même arriver que des démissions en bloc ne mettent en péril la survie de l’entreprise, entachent sa réputation et constituent un frein au recrutement de nouvelles ressources.
Peu de recours au secours des employés lésés
Il existerait peu de recours pour les employés victimes du favoritisme. La Loi sur les normes du travail ne porte pas sur cette situation spécifique. Tout au plus, peut-on se référer aux dispositions sur le harcèlement mais encore, faudra-t-il prouver une forme de harcèlement moral. Les syndiqués pourront toutefois, se rabattre sur des procédures de grief mais encore-là, la preuve pourrait s’avérer difficile à établir, en raison de la subjectivité du favoritisme. Finalement, les salariés dont l’entreprise est sous la gouverne d’un conseil d’administration pourraient tenter de faire valoir leur point de vue auprès des membres du conseil d’administration, mais là encore, il leur faudra posséder un dossier solide en mains.